Je lis dans la revue « Connaître » n° 36-37 de 2011 (pdf) un article de Bertrand Feltz qui me fait découvrir les thèses du neuroscientifique et prix Nobel Gerald Edelman (lire pp.40-42).
La thèse d’Edelman est qu’il y a au cours du développement d’un homme une « sélection des groupes neuronaux » selon leur utilité, le résultat final étant (je saute les étapes intermédiaires) une « conscience intentionnelle »: l’homme est capable d’élaborer des plans d’action en fonction de son système personnel de représentation. Il y a, pour Edelman, un certain niveau de libre arbitre chez l’homme.
Voilà donc un scientifique qui reconnaît que nous ne sommes pas des automates, programmés je ne sais où, exécutant nos tâches comme des robots qui ne savent pas qu’ils le sont.
Cette approche, nouvelle pour moi, ouvre beaucoup de portes.
Cela dit il ne semble pas qu’elle tienne compte de façon explicite du rôle de la relation à l’autre, qui est pourtant essentiel: un enfant élevé seul devient, dit-on, idiot et meurt. Cela relève il est vrai d’autres disciplines (voir sur mon ancien site mes remarques à ce sujet).
Le langage, l’altérité de l’autre, sont des facteurs importants pour le développement de « plans d’action » (selon le mot d’Edelman) de plus en plus subtils: qui tiennent compte de l’autre…, premier aspect de l’ouverture à l’amour au sens chrétien.
Mais positivement, cette approche semble montrer qu’il n’y a pas, au sens strict, de déterminisme: ni au plan psychologique, ni au plan historique! Si c’est bien cela, c’est un sacré changement!
Je voudrais réfléchir maintenant à partir de cette théorie, d’abord sur le plan humain, puis sur le plan scientifique, et enfin sur le plan religieux.
En premier lieu, et ce n’est pas négligeable, Edelman répond à la question de la justice des hommes: certains hommes – la plupart – peuvent être jugés responsables de leurs actes; libres: ils élaborent des plans dont ils sont conscients (la notion de conscience morale serait à approfondir ici); d’autres seront jugés non responsables (fous).
En deuxième lieu, il me semble qu’on peut déduire logiquement de cette théorie qu’il n’y aurait aucune différence entre un homme et un « homme artificiel », qui serait fabriqué en laboratoire selon les mêmes méthodes qui sont actuellement celles de la nature; ou, pour pousser le trait: un robot qui aurait exactement notre structure nerveuse et physique… serait un homme. Comme nous.
Cela dit, sur le plan scientifique, l’analyse d’Edelman, et de tous les neuroscientifiques actuels … oublie les dimensions cachées! J’entends par là tout ce que notre science actuelle ne connaît pas ou ne veut pas connaître.
Je pense en particulier, parce que c’est le mieux prouvé, aux « NDE » ou « Expériences aux frontières de la mort » (appelées aussi « EMI »): il apparaît, à travers ces expériences, que des femmes et des hommes continuent à penser, à voir et à entendre, alors que leur cerveau a un électro-encéphalogramme plat… Et donc la question est: avec quels neurones pensent-ils?
Et puis il y a par exemple les approches orientales, avec des notions telles que celle d’aura. Je n’en dis pas plus, mais il faut se rappeler que le réel est peut-être bien différent, et plus complexe, que ce que nos scientifiques croient en savoir.
Sur le plan religieux, la première réflexion qui me vient est que cette théorie m’aide à mieux comprendre les athées: je veux dire que l’idée que nous puissions être simplement un tas de cellules relativement bien arrangées est quelque chose d’assez déprimant; et à partir de là il est normal pour les athées de percevoir la religion comme une consolation pour esprits faibles…
Un chrétien a du mal à s’en tenir là, à ne voir son corps que comme un ensemble de cellules: de même que nous avons un père sur terre, de même nous nous situons dans le cadre d’un plan plus vaste où nous avons aussi un père dans le Ciel. Notre engendrement n’a pas été seulement le développement de groupes de cellules, mais le début d’un projet montant vers une infinité d’amour.
Pour en venir maintenant à des aspects plus précis, la première question est celle de la « création » de l’homme (Adam) et de « l’âme » humaine: je ne suis pas sûr que ces questions puissent avoir des réponses bien spécifiques, ni qu’elles aient tellement d’intérêt (Je ne parle pas ici de l’existence de Dieu).
Il y a longtemps que l’on voit l’homme comme résultant d’une évolution à partir des animaux: y a-t-il eu une « pichenette » à un moment, faisant passer à l’homme? Y a-t-il eu adjonction d’une dimension qui serait l’âme? C’est possible, mais on n’a pas forcément besoin de ces hypothèses. Je préfère en venir à des aspects beaucoup plus importants, à savoir la relation à Dieu.
Manifestement, les hommes les plus primitifs (et même peut-être certains animaux?) se sont posés depuis le début la question de l’existence de Dieu ou des dieux (animisme), et ont commencé à créer des cérémonies sacrées.
Et c’est à partir de là que, de mon point de vue de chrétien, Dieu a, de son côté, commencé à répondre, et à se révéler.
Or, ce qui résulte d’un dialogue avec le Tout autre, c’est un accroissement de nos expériences: notamment de découvrir que se donner est la plus belle façon de vivre; et découvrir un au-delà qui est réel.
Par la révélation judéo-chrétienne l’homme entre dans une liberté de plus en plus grande, cette liberté dont Edelman nous montre qu’elle débute par les « plans d’action » que nous sommes capables d’élaborer.
En relation avec Dieu, nos plans d’action n’ont pas de limite: nous sommes appelés à la liberté.
Bonjour,
Passionné par la question liberté/déterminisme, je me demande depuis longtemps si Dieu pouvait ignorer que Adam et Eve désobéiraient. Je serais très intéressé d’avoir votre avis là dessus.
Merci d’avance
Oui, c’est une question centrale! Voir sur http://www.plestang.com/fait-jesus3.php ma réponse en « 2. » à un théologien connu.
Voir aussi mon article http://www.plestang.com/blog/2012/lhomme-prehistorique-pechait-il.
Amicalement.